C’est l’histoire d’un monstre à deux têtes : le nitrate d’ammonium. L’une est utilisée comme agent explosif puissant, l’autre, comme engrais miracle qui fertilise nos sols, sous le nom d’ammonitrate. Mais les deux sont indissociables. Et responsables d’explosions majeures ces dernières années. Comme sur le port de Beyrouth, en 2020, ou dans l’usine d’engrais chimique AZF, à Toulouse, en 2001. Deux catastrophes qui ont fait respectivement 240 et 31 morts, et des milliers de blessés. Un produit qui est également détourné pour des actes terroristes, comme à Oklahoma City en 1995, où une explosion a ravagé tout un bâtiment fédéral et tué 168 personnes.
Autant de risques qui ont poussé des pays comme la Chine, l’Inde, le Royaume-Uni ou l’Allemagne, à arrêter la production, le transport et le stockage d’engrais à forte teneur en nitrate d’ammonium. Mais pas la France, qui reste l’un des plus gros consommateurs, malgré les risques.
En France, l’un des leaders de la production s’appelle Yara, une entreprise norvégienne. Elle détient une usine à Montoir-de-Bretagne, près de Saint-Nazaire, classée Seveso seuil haut, où sont stockées au moins 50 000 tonnes d’engrais à base de nitrate d’ammonium. Soit la plus haute qualification en Europe en termes de risques pour l’environnement et les riverains. En théorie donc, le top du top en matière de sécurité.
Pourtant, nous nous sommes procurés des photos de l’intérieur du site prises entre le mois de janvier et de juillet 2023. Ces photos montrent un système de sécurité incendie en très mauvais état à plusieurs endroits du site. L’exposant au risque d'incendie, et donc au risque de détonation si des flammes entrent en contact avec le nitrate d’ammonium présent dans l’usine.
Nous avons partagé ces photos au maire de la commune de Montoir-de-Bretagne, Thierry Noguet. “Je suis sidéré”, a réagi l’édile face à ces images. Nous avons également réalisé une simulation avec l’expert en risque industriel Paul Poulain pour mesurer les risques en cas d’accident majeur sur le site de Yara. Selon Paul Poulain, en cas d’accident majeur, la mairie de Montoir-de-Bretagne, située dans un périmètre de 2,5 km de l’usine, serait détruite dans l’effet de souffle de l’explosion. C’est simple, en cas d’explosion, “je ne serais plus là pour vous parler”, constate Thierry Noguet.
Que disent les autorités de tout cela ? Lors de notre enquête, nous avons appris qu’elles sont en réalité très au fait de la situation. En 2020, au lendemain de la catastrophe de Beyrouth, plusieurs ministères, dont celui de l’agriculture, ont commandé un rapport sur les dangers du nitrate d’ammonium. Selon nos sources, ce rapport préconiserait l’arrêt pur et simple des engrais à forte teneur de cette matière pour des raisons de sécurité et de risques d'attentats. Pour autant, ce rapport n’a jamais été rendu public…
Réaction de Yara suite à notre enquête :
Concernant les photos du système de sécurité incendie défaillant transmises à l’entreprise, Yara nous a répondus qu’elles “ont déclenché automatiquement un audit interne chez Yara Montoir-de-Bretagne afin de vérifier le système sur place. Tout notre équipement de lutte contre l'incendie est conforme à la réglementation et fait l’objet de contrôles réguliers. La conformité à la réglementation est une priorité absolue sur le site de Yara Montoir-de-Bretagne."
Lors de notre reportage, l’entreprise a annoncé la mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi visant la suppression de 139 postes au sein du site de Montoir-de-Bretagne. L’entreprise nous a assurée que "ce choix (de Plan de Sauvegarde de l’Emploi) n’est d’aucune façon liée au rapport interministériel en cours. Le site, qui produit des [engrais] composés, subit de plein fouet l’évolution très défavorable de ce marché."
C’est l’histoire d’un monstre à deux têtes : le nitrate d’ammonium. L’une est utilisée comme agent explosif puissant, l’autre, comme engrais miracle qui fertilise nos sols, sous le nom d’ammonitrate. Mais les deux sont indissociables. Et responsables d’explosions majeures ces dernières années. Comme sur le port de Beyrouth, en 2020, ou dans l’usine d’engrais chimique AZF, à Toulouse, en 2001. Deux catastrophes qui ont fait respectivement 240 et 31 morts, et des milliers de blessés. Un produit qui est également détourné pour des actes terroristes, comme à Oklahoma City en 1995, où une explosion a ravagé tout un bâtiment fédéral et tué 168 personnes.
Autant de risques qui ont poussé des pays comme la Chine, l’Inde, le Royaume-Uni ou l’Allemagne, à arrêter la production, le transport et le stockage d’engrais à forte teneur en nitrate d’ammonium. Mais pas la France, qui reste l’un des plus gros consommateurs, malgré les risques.
En France, l’un des leaders de la production s’appelle Yara, une entreprise norvégienne. Elle détient une usine à Montoir-de-Bretagne, près de Saint-Nazaire, classée Seveso seuil haut, où sont stockées au moins 50 000 tonnes d’engrais à base de nitrate d’ammonium. Soit la plus haute qualification en Europe en termes de risques pour l’environnement et les riverains. En théorie donc, le top du top en matière de sécurité.
Pourtant, nous nous sommes procurés des photos de l’intérieur du site prises entre le mois de janvier et de juillet 2023. Ces photos montrent un système de sécurité incendie en très mauvais état à plusieurs endroits du site. L’exposant au risque d'incendie, et donc au risque de détonation si des flammes entrent en contact avec le nitrate d’ammonium présent dans l’usine.
Nous avons partagé ces photos au maire de la commune de Montoir-de-Bretagne, Thierry Noguet. “Je suis sidéré”, a réagi l’édile face à ces images. Nous avons également réalisé une simulation avec l’expert en risque industriel Paul Poulain pour mesurer les risques en cas d’accident majeur sur le site de Yara. Selon Paul Poulain, en cas d’accident majeur, la mairie de Montoir-de-Bretagne, située dans un périmètre de 2,5 km de l’usine, serait détruite dans l’effet de souffle de l’explosion. C’est simple, en cas d’explosion, “je ne serais plus là pour vous parler”, constate Thierry Noguet.
Que disent les autorités de tout cela ? Lors de notre enquête, nous avons appris qu’elles sont en réalité très au fait de la situation. En 2020, au lendemain de la catastrophe de Beyrouth, plusieurs ministères, dont celui de l’agriculture, ont commandé un rapport sur les dangers du nitrate d’ammonium. Selon nos sources, ce rapport préconiserait l’arrêt pur et simple des engrais à forte teneur de cette matière pour des raisons de sécurité et de risques d'attentats. Pour autant, ce rapport n’a jamais été rendu public…
Réaction de Yara suite à notre enquête :
Concernant les photos du système de sécurité incendie défaillant transmises à l’entreprise, Yara nous a répondus qu’elles “ont déclenché automatiquement un audit interne chez Yara Montoir-de-Bretagne afin de vérifier le système sur place. Tout notre équipement de lutte contre l'incendie est conforme à la réglementation et fait l’objet de contrôles réguliers. La conformité à la réglementation est une priorité absolue sur le site de Yara Montoir-de-Bretagne."
Lors de notre reportage, l’entreprise a annoncé la mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi visant la suppression de 139 postes au sein du site de Montoir-de-Bretagne. L’entreprise nous a assurée que "ce choix (de Plan de Sauvegarde de l’Emploi) n’est d’aucune façon liée au rapport interministériel en cours. Le site, qui produit des [engrais] composés, subit de plein fouet l’évolution très défavorable de ce marché."
Ammonitrate : enquête sur cet engrais explosi...
Ammonitrate : épisode 2
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